vendredi 11 février 2011

LES PARADISIAQUES


Il faut suivre Pascal Quignard sur la trace des paradis perdus, des contes oubliés, des étymologies secrètes et épiphaniques. Ses fragments sont autant de tâtonnements à la recherche de l'origine, de l'avant, du jadis. Quête du commencement qui interroge le langage pour y trouver la source impossible, l'image jamais vue car inaccessible, la parole envolée dans le temps.

Extraits, fragments, ruines, lambeaux, scories des jardins d'Eden.

"En nous le premier amour est sans mémoire comme il est sans visage. Ce qui fascine à chaque fois dans l'amour est modelé (odeur, salive, ombre) par ce monde imaginaire, sans visage, prélinguistique, c'est-à-dire non mémorisé, c'est-à-dire irreconnaissable. C'est l'amont paradisiaque. Ruisselants, ils sortent leur tête de l'eau; leur regard est triste; ils crient. C'est la date de leur naissance - mais aucun d'entre nous ne commence à vivre au moment de sa naissance."


"C'est une des plus anciennes définitions de l'amour: un désir qui désire si fort qu'il rêve en son absence un visage. L'attirance est telle qu'elle produit en son absence une épiphanie. L'étreinte ventrale appesantie, entre le père et la mère, crée le fantôme du fils."



"On appelle"portrait craché" la ressemblance entre le visage de l'ensemenceur et la face reproduite de l'ensemencé. [...] Le mâle à l'instant des secousses crachait son portrait dans le ventre de celle dont il baisait le visage."
( ces dernières citations me font immanquablement penser au portraitdu père outragé par le crachat de l'amie de Mlle Vinteuil dans la scène de Montjouvain de la Recherche. Scène fondamentale dans l'oeuvre de Proust et qui fascine exégète et psychanalystes littéraires!)
"La seule façon d'étreindre sa mère est d'habiter la maison où l'on vit." ( son oeuvre?)
"La lecture est l'expérience la plus intime que puisse faire un humain. La littérature consiste tout entière dans le mystère de cette oralité silencieuse."

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