mercredi 20 octobre 2010

JUSQU'AU BOUT

Difficile de voir jusqu'au bout le film du même nom, en portugais " Do começo ao fim".
Deux acteurs splendides et que la caméra ne se lasse pas de filmer, le cadre sublime de Rio de Janeiro, le thème perturbant d'un amour inconditionnel et sexué entre deux demi-frères voilà une annonce prometteuse. Les deux irmaoes en question"sont trop proches" et ce depuis l'enfance. Ils finissent par se livrer à une vraie passion fusionnelle, un "inceste ligth" dirons-nous, puisque dégagé du péril de la reproduction mais pas de celui de la censure sociale.... tout cela est narrativement séduisant en diable!


D'ailleurs le film commence bien, en étudiant la relation ambigüe des deux enfants que tout rapproche trop et qui baignent dans une tendresse caressante et complice, une "sorte de vert paradis des amours enfantines". Les enfants-acteurs jouent magnifiquement et leur spontanéité et innocence permet de soutenir avec candeur et sans tabous des moments de malaise que le réalisateur se contente de suggérer.
Or c'est là que le bât blesse, cinématographiquement parlant. Louis Malle avec "Le souffle au coeur" était allé jusqu'au bout du vertige incestueux. Le réalisateur ici l'esquive, refuse le trouble, ne tripote pas vraiment nos préjugés et les réactions de rejet ou réflexes de réprobation morale des spectateurs. Rapidement le film glisse vers une exposition érotique et mélodramatique de cette relation : la nudité comme marque de sincérité, le voyage et la fuite vers un ailleurs, la fièvre sensuelle, la fusion émotionnelle des deux frères s'imposent à nous dans des scènes irréalistes et sublimées qui au lieu de nous troubler nous font sourire par leur lyrisme excessif ( ah! cette musique envahissante et dégoulinante!). On finit dans la télénovela la plus sirupeuse avec des retrouvailles larmoyantes et un happy end lénifiant. C'est là l'écueil contre lequel échouent bien des productions brésiliennes vu que les acteurs et réalisateurs sortent souvent des productions de télé Globo.



Au lieu de nous montrer la résistance et la stupeur familiale, le rejet des proches, la condamnation sociale... bref toutes ces formes psychologiques et politiques qu'implique le fait d'assumer sa sexualité, toutes ces étapes conflictuelles et formatrices qui déterminent et justifient une histoire d'amour hors normes, le réalisateur nous sert des scènes de cul pastellisées et des baisers au goût de guimauve. Surtout ne pas approfondir, devise qui colle à la peau de la brésilianité, qui fait son charme ensorcellant mais aussi d'une autre manière sa limitation triste.



Le réalisateur a ainsi contourné les difficultés et les ambitions d'un scénario qui auraient pu s'avérér passionnant. Michel Tournier avec Les Météores, avait su raconter avec profondeur et sans concession la monstruosité superbe de deux frères jumeaux poussant la fusion originelle jusque dans leur sexualité. Cette monstruosité fondamentale et fascinante, précieuse en enseignements et remises en questions, que réprésente l'amour inconditionnel de ces deux frères est ici masquée par une esthétique facile et une onde tropicaliste, à la surface de laquelle l'histoire se noie.


Et pourtant on regarde jusqu'au bout, surtout si en plus du récit décevant proposé par le film, on retrouve un cadre de vie idyllique, des situations connues et des visages ressemblant à ceux qu'on a su aimer. Ipanema, Buenos-Aires où le film se déroule aussi en partie, un voyage en Russie... une passion parfaite et interrompue... tout cela ressemble décidément trop au film de sa propre vie et favorise avec les regrets ou remords ce plaisir d'aller jusqu'au bout de la saudade.

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