mardi 26 janvier 2010

"PLUS PERSONNE OÙ ALLER"


Zola, pour le réalisme minutieux et l'analyse sociale d'une classe opprimée, d'un monde en décadence. Jackson, pour la Louisiane, la négritude comme affirmation de soi et attitude!Voici Zola Jackson, sous la plume de Gilles Leroy, institutrice survivant à l'ouragan Katrina et à la tempête de ses souvenirs.


Habilement construit sur une intrigue qui suit la progression dramatique de la fureur du ciel, le roman avance à la manière d'une tragédie avec les mêmes ressorts: la réclusion, le resserement, l'angoisse, le piège et la recherche désespérée d'un salut.
Sur le plan psychologique, l'obstination trop fière, le remords, le poids des fautes anciennes participent aussi à l'engloutissement du personnage principal, mère courage mais coupable et tardivement repentie qui s'accroche à sa maison, sa chienne, le souvenir d'un fils adoré et disparu qu'elle n'a pas su comprendre.



La chienne Lady, (telle une confidente chez Racine qui pousse au péril sa maîtresse mais sait aussi être une adjuvante in extremis), est la seule présence affective dans la vie de cette veuve noire, la seule oreille à qui parler, comme on s'adresserait à un lecteur lequel avec une fidelité toute aussi canine va suivre à la trace la descente aux enfers de Zola.



C'est la voix de cette femme que nous suivons, restituée avec une authenticité extraordinaire grâce à une foule de détails hyper-réalistes, d'anecdotes savoureuses qui offrent des fragments de vie et des éclats de vécu... grâce aussi à ce style métissé qui mêle les expressions sudistes familières et une vraie poésie de dame amoureuse des mots. On y croit, on l'entend cette sacrée bonne femme parfois insupportable, souvent touchante, on fait corps avec elle dans la panique, le marasme et les larmes.



Gilles Leroy ne crée pas seulement un personnage inoubliable de survivante. Zola Jackson pourrait certes être n'importe quelle sinistrée de catastrophes naturelles en Louisiane, ou en Haïti, victime et révoltée, anéantie but still alive. Zola est plus que cela.
Elle est un écrivain, dans sa solitude et son soliloque, submergée par la crue de la mémoire, les assauts du temps météorologique et chronologique, par la frustration de ne pas avoir pu aimer sans blesser ni souffrir, par la rage de témoigner et de tenir la tête haute hors de l 'eau immonde qui charrie la mort.


1 commentaire:

St Loup a dit…

Eh bien, il faudra que je lise ce Gilles Leroy que je ne connais pas encore. Ton billet ne fait que m'encourager. Merci!